Le dernier jour

Le dernier jour, nous nous sommes levées très tôt. La nuit se dissipait à peine lorsque nous avons mis une dernière fois les sacs sur nos épaules. Il bruinait. Le vieux voisin nous a souhaité bonne route, et nous sommes parties. Au bout de huit jours de marche, le corps devient discipliné. Il ne rechigne plus à se lever tôt. Il prend le rythme, le bon, celui qui fait tenir les grands marcheurs bien plus longtemps encore. Au bout de huit jours, les courbatures ont presque disparu, et les ampoules sont quasiment indolores sous les pansements. Le sac devient léger. C'est à ce moment là que l'on commence à se sentir vraiment bien. Le rythme de la marche s'accélère, et ça devient grisant. On a l'impression de galoper sur les sentiers empierrés. Les kilomètres défilent. La ligne d'arrivée n'est pas loin.
Saint Jean Pied-de-Port avait un goût particulier. Celui de l'accomplissement d'un défi que nous nous étions donné. Le soulagement d'avoir terminé un effort physique assez intense. L'émotion de découvrir une ville magnifique dédiée à l'accueil des pèlerins. La joie de les observer affluant de tous les chemins pour passer du côté espagnol.
Après une semaine de marche, chaque détail peut devenir un immense plaisir. La première voiture dans laquelle nous sommes montées, et l'extraordinaire sensation de vitesse d'un paysage qui défile sous nos yeux. Et pourtant nous ne roulions qu'à 50km/h...
Et puis il y avait les promesses qui nous avaient fait tenir jusque là. Les restaurants dont nous avions rêvés et nos futures visites chez Ikea. Les talons hauts et le rouge à lèvres, les sandales et les robes d'été - même s'il fallait laisser entrevoir notre bronzage zébré.